Variables socio-commutatives, attitudes psycho-émotionnelles et détails acoustique-articulatoires du parlé : une étude sur une communauté de locuteurs de français L2 originaires du sud de l'Italie
Sous la direction de Mariapaola d'Imperio (AMU) et Silvia Calamai (Univ. di Siena)
Jury : Mme CHIARA CELATA - Univ. Urbino Carlo Bo Mme ELISABETTA CARPITELLI - Univ. Grenoble M. ORESTE FLOQUET - Univ. di Romà la Sapienza Mme BARBARA GILIFIVELA - Univ. di Salento Mme GIOVANNA MAROTTA - Univ. di Pisa M. ALESSANDRO VIETTI - Univ. libre de Bolzano Mme SILVIA CALAMAI - Co-directrice de thèse - Univ. di Siena Mme MARIAPAOLA D'IMPERIO - Directrice de thèse - AMU
Résumé :
Les communautés de migrants représentent des laboratoires sociologiques uniques, dans lesquels des forces opposées poussent simultanément les individus à préserver leur patrimoine d'origine et à acquérir les particularités de leurs hôtes. Une renégociation similaire et dynamique des identités personnelles et sociales produit souvent des résultats imprévisibles, profondément liés aux contextes spécifiques dans lesquels ils se produisent. Dans le développement de tels processus, les faits linguistiques jouent un rôle crucial. La sélection des variétés de langue, la préférence pour des interlocuteurs spécifiques, les chemins suivis par l'acquisition de la langue et les phénomènes d'interférence sont des éléments fermement liés aux identités migrantes qui en résultent.
L'entrelacement entre la langue et la psychosociabilité dans les communautés de migrants représente certainement une question complexe, qui nécessite des recherches transdisciplinaires ; cela dit, les sciences humaines ne peuvent plus reporter une confrontation globale avec des questions similaires, étant donné l'importance croissante que les migrations à petite et grande échelle acquièrent dans les sociétés contemporaines (liquides, pour utiliser la définition répandue de Z. Bauman).
La recherche développée dans la thèse de doctorat ici présentée aborde précisément une question linguistique pertinente en fonction des processus sociaux migratoires. Plus précisément, l'étude s'est intéressée à la manière dont les attitudes sociales révélées par les migrants façonnent l'acquisition spontanée de la langue véhiculaire parlée par la communauté d'accueil : pour explorer ce sujet, un échantillon de 15 migrants d'origine italienne habitant l'agglomération d'Aix-Marseille (Provence) a été recruté, en accordant une attention particulière à la comparabilité des sujets en termes d'âge, d'éducation, de lieu de travail et d'origine linguistique. La phase de collecte des données repose sur une méthode globale, intégrant des méthodes psychométriques explicites et implicites répandues (questionnaires de Likert, et test d'association implicite) et la constitution d'un corpus oral représentatif du répertoire bilingue italien-français du participant concerné. Lors de la planification de la collecte du corpus, une attention particulière a été accordée à la possibilité de réutilisation la plus large possible de la ressource, également en dehors des domaines linguistiques et sociolinguistiques. Alors que le discours français a été obtenu en adoptant une méthode d'élicitation traditionnelle (description d'image), la collecte du discours italien repose sur un entretien semi-structuré et modulaire visant à recueillir les remarques, les croyances et les pensées des participants sur leur condition de migrant italien en France. Suivant des principes similaires, la ressource résultante (CoRital, Corpus Italiens à l'étranger) représente une source de données précieuse pour effectuer des recherches linguistiques, socio-psychologiques et historiques sur la migration franco-italienne contemporaine. Le corpus entier ( ~ 4h 50' de discours total, également réparti entre l'italien et le français) est transcrit orthographiquement, en adoptant la chaîne de transcription BAS (suivie d'un double contrôle humain). En ce qui concerne la question de recherche abordée par l'étude, l'analyse des détails phonétiques du discours collecté - effectuée au niveau des segments vocaliques spécifiques au français - révèle que les attitudes affectent différemment l'orientation native de l'acquisition de la L2, selon la dimension stéréotypée concernée (chaleur et compétence) et la nature explicite/implicite de la construction: des divergences acquisitionnelles similaires sont interprétées d'un point de vue sociolinguistique et psychosocial.
L'adoption internationale d'enfants : perspectives sociolinguistiques
Sous la direction de Sylvie Wharton
Jury : M. CHRISTIAN OLLIVIER - Rapporteur - Univ. La Réunion M. FRÉDÉRIC TUPIN - Rapporteur - Univ. La Réunion M. MÉDÉRIC GASQUET-CYRUS - Membre du jury - AMU Mme SOFIA STRATILAKI - Membre du jury - Univ. du Luxembourg Mme SYLVIE WHARTON - Directrice de thèse - AMU
Résumé :
Les adoptions internationales, de plus en plus nombreuses, plongent souvent les enfants adoptés dans une nouvelle situation linguistique. Or, si les études sociolinguistiques confirment que le rôle de la langue de première socialisation est primordial dans l’insertion sociale et scolaire des enfants dans le cadre de migration, elles ne se sont pas encore penchées sur le cas des enfants adoptés. Cette étude est donc la première analyse sociolinguistique des adoptions. La recherche proposée ici a été effectuée en collaboration avec la COFA (Confédération française pour l’adoption) comité de Marseille. En m’appuyant sur une approche qualitative et ethnographique, j’effectue une étude du terrain de l’adoption internationale en m’intéressant aux familles adoptives, aux intermédiaires d’adoption et aux professionnels de santé et d’éducation qui participent à l’accueil des enfants. Ce travail identifie les enjeux sociolinguistiques inhérents à l’adoption internationale. Par ailleurs, il caractérise le rôle des différents agents dans le développement langagier des enfants adoptés.
Résumé :
En morphologie, la fréquence de types des différents patterns dans les formes existantes a une influence considérable sur leur productivité. Cependant, ce facteur s’avère parfois insuffisant pour expliquer la productivité de certains patterns. On peut alors s’interroger sur les autres facteurs jouant un rôle dans la construction des représentations qui guident la productivité morphologique. Cette thèse aborde cette question en explorant des situations linguistiques dans lesquelles l’influence des fréquences de types est limitée par un faible nombre de formes existantes et/ou parce qu’elles entrent en conflit avec les nouveaux inputs que reçoivent les locuteurs lors d’une interaction.
Nos résultats montrent que les fréquences de types jouent effectivement un rôle majeur dans la productivité. Néanmoins, il arrive que les locuteurs ne parviennent pas à abstraire un pattern lorsque le nombre de formes existantes est trop faible. Dans cette situation, certains patterns sont sous- ou sur-représentés dans les nouvelles formes, comparé à leur fréquence dans les formes existantes. L’existence de préférences qui ne sont pas motivées par les fréquences de types suggère que les locuteurs ont des biais inhérents pour certains patterns.
De plus, les locuteurs sont capables de rapidement converger vers un partenaire d’interaction, même lorsque cela va à l’encontre des tendances observées dans les formes existantes. Ainsi, les locuteurs peuvent graduellement modifier leurs préférences en raison de l’effet cumulé de la convergence morphologique lors de multiples interactions. Par conséquent, la convergence pourrait jouer un rôle important dans l’évolution des patterns morphologiques.
Résumé :
Le manuel scolaire est un outil pédagogique présent dans toutes les classes en France et plébiscité par les enseignants. Pourtant, dans le cas des ouvrages d’histoire, leur appropriation
est difficile : les textes composant les leçons sont peu lisibles. Cette recherche se donne pour objectif d’étudier la lisibilité d’un ensemble de textes explicatifs présents dans un corpus composé de 24 manuels scolaires d’histoire à destination d’élèves de CM1 et CM2 (9 à 11 ans). A partir de ces premiers résultats, nous nous proposons de comprendre le rôle de l’aspect lexico-syntaxique des textes dans la lisibilité. Pour effectuer cette étude, l’ensemble des textes sélectionnés ont été analysés à l’aide d’outils mathématiques et informatiques. Puis nous les avons comparés avec des listes de fréquence lexicale pour tenter de dégager les mots « difficiles » du texte, qui, par la suite, seront qualifiés de potentiellement opaques. Nous avons pour cela créé une échelle de complexité. Une confrontation avec des élèves de CM1 et CM2 a été menée afin d’éprouver les résultats et de proposer des pistes didactiques à l’enseignant.
Repenser les méthodes du FLE en contexte libyen : aspects pratiques et théoriques
Sous la direction de Cyril Aslanov
Jury :
M. JAN GOES – Rapporteur – Univ. Artois M. FOUED LAROUSSI – Rapporteur – Univ. Rouen Mme VALERIE SPAETH – Membre du jury – Univ. Paris 3 M. GEORGES-DANIEL VERONIQUE– Membre du jury – AMU M. CYRIL ASLANOV – Directeur de thèse – AMU
Résumé :
La langue française est une langue étrangère et facultative qui est réapparue en Libye après plusieurs années d’être coupée de l’enseignement public, car elle est à nouveau enseignée à partir du niveau universitaire dans plusieurs universités libyennes, malgré le fait que tous les départements de la langue française souffrent d’une grave pénurie de ressources en général et de difficultés à parler. Dans cette langue en particulier, y compris le corps enseignant qui à son tour a fait face à de gros problèmes en échange de cette pénurie, en plus de ne pas prendre les rênes des choses au sérieux. Cela contribue au développement de cette langue et à son enseignant de la bonne manière. Dans notre étude, que nous menons actuellement, nous avons essayé de développer des méthodes modernes qui ont été adoptées dans certains pays développés comme l’Allemagne et l’Algérie, qui ont utilisé ces méthodes, et qui ont abouti au développement des compétences linguistiques et des étudiants apprenant des langues étrangères. En 2018, nous avons appliqué cette méthode avec des étudiants de deuxième année au niveau universitaire et, à travers ces méthodes, nous avons cherché une amélioration remarquable et satisfaisante pour ces étudiants en surmontant certains des problèmes auxquels ils étaient confrontés dans le passé, notamment la confiance en soi, l’hésitation et la peur. Satisfaits à leur situation contraire aux méthodes d’enseignement traditionnelles appliquées dans les départements de langue française et à travers les résultats satisfaisants que nous avons obtenus, nous ne voyons aucune objection à l’application de cette méthodologie dans les départements de langue française en Libye.
Mots-clés : FLE; expression orale; enseignement supérieure en Libye; jeu de rôle
Une approche computationnelle pour caractériser les dynamiques interpersonnelles dans les conversations naturelles
Sous la direction de Laurent Prévot (LPL) et Benoit Favre (LIS)
Jury :
Prof. Julia Hirschberg, Columbia University
Prof. Giuseppe Riccardi, Università degli Studi di Trento
Prof. Stefan Benus, Constantine the Philosopher University
Cr. Roxane Bertrand, LPL
Directeur : Prof. Laurent Prevot, LPL
Co-Directeur : Prof. Benoit Favre, LIS
Lors d’une conversation, les participants ont la tendance à accorder, consciemment ou non, leur production communicative par rapport à leur interlocuteur. Il est généralement admis que dans des circonstances normales, ce phénomène entraîne une convergence des paramètres de parole des deux participants.
Alors que ces études impliquent souvent des conditions de laboratoire contrôlées, les mécanismes qui régissent le phénomène dans les conversations naturelles sont moins connus, en raison du flux spontané des conversants et de la grande variabilité des paramètres suivis. En outre, on ne sait pas encore très bien comment les participants modifient leur style de parole (la dynamique c’est-à-dire) au cours de la conversation et quels sont les facteurs qui influencent ces modifications. Cette thèse présente une nouvelle méthodologie pour aborder ces aspects, ce qui donne lieu aux contributions suivantes :
Dans la première partie, nous effectuons une étude de réplication pour le speech rate dans le dataset Switchboard, confirmant que, à l’ensemble du niveau de la conversation, les locuteurs convergent vers la ligne de base du speech rate de leur interlocuteur. Dans le prolongement de l’étude initiale, nous soulignons la fragilité relative des effets de convergence lorsque l’on réduit la taille de l’ensemble de données.
Ensuite, au-delà des conversations entières, nous explorons la dynamique des effets de convergence en comparant les caractéristiques acoustiques-prosodiques des deux moitiés d’une conversation en termes de tours. Les résultats montrent que l’énergie et le speech rate ont tendance à converger dans la seconde moitié d’une conversation par rapport à leurs valeurs dans la première moitié.
Afin de mieux comprendre l’impact des speech activities sur la convergence, nous avons répété le même expérience avec une restriction aux actes de dialogue de type statement, opinion et back channel, sous l’hypothèse que ces grandes classes d’activités devraient conduir à des dynamiques de convergence spécifiques. Des effets de convergence plus forts sont observés au sein des classes, même si la taille de l’échantillon est beaucoup plus petite que pour l’ensemble de données non contrôlé.
Dans l’hypothèse où la dynamique de convergence pourrait être le résultat d’effets non linéaires, nous proposons de formuler le problème comme la prévision de la direction de la variation des paramètres acoustiques-prosodiques dans la seconde moitié d’une conversation, compte tenu des valeurs de la première moitié et des métadonnées du locuteur. Nous formons un classificateur de forêt aléatoire et étudions l’effet des caractéristiques d’entrée sur la précision de la prédiction de la dynamique de convergence.
Enfin, nous approfondissons l’étude de la dynamique de la convergence avec une segmentation plus fine des conversations au niveau des tours. Un classificateur est utilisé pour prédire la moyenne de l’énergie, F0 range et le speech rate dans le tour à venir en utilisant les informations de l’historique des tours précédents. Un classificateur LSTM hiérarchique conçu pour la tâche est alimenté par des embeddings lexicaux, des actes de dialogue et des caractéristiques acoustiques et prosodiques. L’inclusion de fonctions d’interlocuteur, par rapport à la restriction de l’entrée au locuteur actuel, montre une meilleure prévisibilité des paramètres de la parole, ce qui montre indirectement que la dynamique de convergence peut être suivie au sein d’une conversation au niveau du tour.
Ces résultats approfondissent la compréhension des effets de convergence dans les ensembles de données non contrôlées et offrent des approches et des méthodes nouvelles pour mieux contrôler la variabilité des conversations naturelles dans le cadre d’un paradigme de tâche de prédiction.
LPL, salle A003, 5 avenue Pasteur, Aix-en-Provence
(Session à huis clos, information sur un éventuel accès en ligne à venir)
Ana Zappa
(LPL-AMU)
Embodied semantics put to the test: electrophysiological evidence from virtual reality and classical environments
Sous la direction de Cheryl Frenck-Mestre
Jury :
Rapporteure du jury : FOUCART, ALICE
Rapporteur du jury : COELLO, YANN
Membre du jury : BOULENGER, VÉRONIQUE
Directrice : FRENCK MESTRE, CHERYL
Membre du jury : MESTRE, DANIEL
Bien que la neuro-imagerie et les études comportementales aient montré un recrutement des systèmes sensorimoteurs lors du traitement sémantique, le rôle et le décours temporel de ces activations doivent encore être précisés. Notre objectif était donc d’observer les différents contextes dans lesquels l’activation motrice peut contribuer à la compréhension et à l’apprentissage du langage, en utilisant des environnements interactifs et écologiques. Dans une première étude, des apprenants novices ont acquis un vocabulaire restreint dans une deuxième langue (L2) au travers de jeux interactifs sur ordinateur. Les résultats comportementaux et en électroencéphalographie (EEG) ont indiqué un apprentissage rapide de mots en L2. Par contre, les potentiels évoqués ont révélé un effet de congruence de genre grammatical : seuls les mots ayant le même genre dans la première et la deuxième langue ont produit un effet N400 (réponse à la congruence/incongruence de paires de mots auditifs et d’images), indiquant que ceux-ci ont été mieux intégrés. Dans une deuxième étude, nous avons utilisé un paradigme de compatibilité entre phrases d’action et actions réalisées par le participant (Action-sentence compatibility effect, ou ACE) pour mesurer les effets de la préparation motrice sur le traitement du langage. Les résultats en EEG ont montré une plus grande amplitude de la N400 pour des essais congruents par rapport aux essais incongruents, ce qui suggère une interférence provoquée par la compatibilité entre les processus moteurs et langagiers. Dans les études 3 et 4, nous avons combiné la réalité virtuelle (RV) et l’EEG pour analyser des interactions entre le traitement du langage et l’activation motrice. Dans l’étude 3, les participants ont entendu des verbes d’action dans leur langue maternelle et ont effectué diverses actions sur un objet virtuel dans un environnement virtuel hautement immersif, le Cave automatic virtual environment (CAVE), pendant une tâche de Go-Nogo. Des analyses en temps-fréquence du signal EEG ont montré des activations motrices dans les deux conditions, avant tout mouvement physique. Cette activation était plus importante pour les essais « Go » que pour les essais « Nogo ». Notre dernière étude (prévue) est un registered report qui vise à déterminer les corrélats neuronaux de l’apprentissage incarné d’une deuxième langue. Les participants encoderont des verbes d’action auditifs à l’aide d’un casque de réalité virtuelle interactive en effectuant des actions spécifiques pour manipuler un objet virtuel. Dans un design pré-/post-entraînement, l’apprentissage sera évalué avec des mesures EEG et comportementales et comparé à l’apprentissage dans une condition où les participants pointent vers l’objet.
Le travail présenté dans cette thèse constitue un pas important vers une meilleure compréhension de la relation subtile entre les processus moteurs et sémantiques. En tirant profit des nouvelles technologies qui permettent de manipuler et contrôler l’environnement, notre travail ouvre de nouvelles perspectives pour prendre en compte la nature contextuelle de notre apprentissage et de notre compréhension du langage.