MANDELA : Approche multimodale de la dynamique conversationnelle et ses bases cérébrales

La dernière Lettre de CNRS Sciences humaines & sociales parue en janvier met en avant sept projets sélectionnés en 2023 par la Mission pour les Initiatives Transverses et l’Interdisciplinarité (MITI) du CNRS, dont le projet « MANDELA » porté par Philippe Blache (LPL/ILCB), Daniele Schön (INS) et Leonor Becerra (LIS). Ce projet de recherche interdisciplinaire entre les trois laboratoires LPL, INS et LIS vient de débuter dans le cadre de l’action 80 Prime et associe des approches issues de la linguistique, des neurosciences, de la psychologie cognitive et des sciences informatiques. Il inclue également une bourse de doctorat attribuée à Hiroyoshi Yamasaki (co-dirigée par Philippe Blache et Daniele Schön).

Lettre de CNRS SHS (article page 19) : https://www.inshs.cnrs.fr/sites/institut_inshs/files/download-file/lettre_info_87_0.pdf

Résumé du projet :
Les conversations naturelles sont caractérisées par des phénomènes d’alignement voire de convergence entre participants, obligatoires pour assurer un échange d’informations efficace et plus généralement le succès de l’interaction. Le premier objectif de ce projet est de construire un modèle computationnel prédisant le niveau de convergence basé sur des caractéristiques verbales et non verbales. Dans un deuxième temps, nous proposons d’explorer la corrélation entre les mécanismes de synchronisation dans le signal cérébral et le niveau de convergence prédit par le modèle. Notre hypothèse est qu’un niveau élevé de convergence peut être corrélé avec un couplage cérébral entre les participants, observé dans différentes bandes de fréquences du signal électro-encéphalographique. Ce projet s’appuie sur un large corpus basé sur des conversations enregistrées en audio-vidéo et incluant l’EEG (corpus SMYLE et BrainKT) et qui sera complété par de nouvelles données acquises dans le cadre de la thèse. Il s’agira du premier projet à cette échelle explorant la convergence et le couplage cérébral au cours d’une conversation naturelle.

 

Légende photo : Participants au recueil de données neuro-physiologiques dans le cadre d’une interaction orientée tâche
Crédits image : LPL

L’art de la conversation… ou “La complexe mécanique de la conversation ordinaire”

Roxane Bertrand et Noël Nguyen, tous deux enseignants-chercheurs du LPL, viennent de publier un article dans "The Conversation" qui propose un éclairage sur les mécanismes et les pratiques de la conversation orale.

>> Lien vers l'article sur The Conversation France
Résumé :

La conversation est à la base de nos interactions sociales. Elle sous-tend la formation de notre identité en tant que sujet, l’émergence et le maintien des liens sociaux, et c’est par elle que les bébés entrent dans le langage. Elle est une construction conjointement élaborée par les participants, selon des règles précises qui en conditionnent la réussite ou l'échec, et que chacun respecte sans les avoir jamais apprises de manière explicite. Voici un aperçu des recherches menées aujourd'hui dans ce domaine.

Auteurs :

Roxane Bertrand, chercheuse CNRS au LPL
Noël Nguyen, professeur à AMU/LPL, Vice-doyen chargé de la recherche à la faculté ALLSH

 

Crédits image : Chambre sourde au LPL, Jean-Claude Moschetti/CNRS 

« Quelle belle coupe de cheveux ! » : ou comment reconnaître l’ironie…

Notice :
Rivière, E. & Champagne-Lavau, M. (2020).
Which contextual and sociocultural information predict irony perception? Discourse Processes, 57, 259-277

Résumé :
Dire à quelqu’un « Quelle belle coupe de cheveux ! » peut être interprété comme un compliment, mais aussi comme de l’ironie après 3 mois de confinement. Des travaux dans différentes langues ont montré que plusieurs facteurs (par exemple la situation contextuelle, la présence d’un marqueur lexical tel que le déterminant « quelle ») sont susceptibles de favoriser l’interprétation de cet énoncé comme étant ironique. Mais aucune étude, en français, n’a encore examiné la contribution relative de ces différents facteurs à l’interprétation d’un énoncé comme ironique. A l’aide d’une approche originale, nous avons demandé à 244 participants de langue maternelle française d’évaluer sur une échelle en 5 points la présence de différents facteurs dans 1840 stimuli écrits.

Une analyse de régression nous a permis de montrer pour la première fois qu’une combinaison de facteurs pragmatiques liés au contexte (c’est-à-dire l’allusion à une attente déçue, la présence d’une victime, une tension négative) et de facteurs socioculturels concernant les participants jugeant les énoncés (être une femme plutôt qu’un homme, avoir un niveau d’éducation élevé) prédisait le mieux l'interprétation des énoncés comme ironique. Notons que les facteurs pragmatiques étaient les prédicteurs les plus forts.

Ces résultats montrent, d’une part, que les femmes sont plus sensibles à l'ironie (probablement à la tension négative véhiculée par l’ironie) que les hommes et confirment, d’autre part, le rôle central du contexte étudié par ailleurs sous la forme de l’incongruité contextuelle entre l’énoncé du locuteur et la situation.

Lien vers l’article : https://doi.org/10.1080/0163853X.2019.1637204
HAL : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02189429/