La texture des sons : Entendez-vous des sons rugueux ou des sons lisses ?

Le 20 novembre dernier, la revue JASA a publié un nouvel article sur l’association des sons à des formes et des textures, réalisé par un collectif de scientifiques internationaux dont Caterina Petrone (LPL-CNRS) et Susanne Fuchs (ZAS Berlin, actuellement Chaire Iméra/ILCB).

Selon les résultats de cette étude, le trille alvéolaire est perçu comme dentelé/rugueux par des locuteurs de langues différentes. Les chercheurs pensent que cette association pourrait être plus universelle que le célèbre effet bouba/kiki.

Référence : A. Ćwiek, R. Anselme, D. Dediu, S. Fuchs, S. Kawahara, G. E. Oh, J. Paul, M. Perlman, C. Petrone, S. Reiter, R. Ridouane, J. Zeller, B. Winter. The Alveolar Trill Is Perceived as Jagged/Rough by Speakers of Different Languages. J. Acoust. Soc. Am. 156, 3468–3479 (2024)

Lien vers l’article en texte intégral : https://pubs.aip.org/asa/jasa/article/156/5/3468/3321514/The-alveolar-trill-is-perceived-as-jagged-rough-by

Résumé :
La recherche typologique montre que dans toutes les langues, les sons [r] trillés sont plus fréquents dans les adjectifs décrivant des surfaces rugueuses que des surfaces lisses. Dans cette étude, cette recherche lexicale est complétée par une expérience avec des locuteurs de 28 langues différentes appartenant à 12 familles différentes. On a présenté aux participants des images d'une ligne dentelée et d'une ligne droite et ils ont imaginé passer leur doigt le long de chacune d'entre elles. On leur a ensuite présenté un trille alvéolaire [r] et une approximation alvéolaire [l], puis ils ont fait correspondre chaque son à l'une des lignes. Les participants ont montré une forte tendance à faire correspondre [r] à la ligne dentelée et [l] à la ligne droite, de manière encore plus cohérente que dans une étude interculturelle comparable concernant l'effet bouba/kiki.
La tendance est la plus forte pour la correspondance entre [r] et la ligne irrégulière, mais elle est également très forte pour la correspondance entre [l] et la ligne droite. Bien que cet effet ait été constaté avec des locuteurs de langues ayant des réalisations phonétiques différentes du son rhotique, il était plus faible lorsque le [r] trillé était la variante principale. Cela suggère que lorsqu'un son est utilisé phonologiquement pour créer des contrastes de sens systémiques, son potentiel iconique peut devenir plus limité.
Ces résultats élargissent notre compréhension des correspondances iconiques intermodales, en mettant en évidence des connexions profondément enracinées entre la perception auditive et le toucher/la vision.

 

Légende de l'illustration : Fig. 1 The oscillograms and spectrograms for the recording of (a) the alveolar trill [r] and (b) the alveolar lateral approximant [l]. The superimposed red line is the intensity curve with a range between 55 and 85dB. The jagged line (c) and the flat line (d) were the corresponding visual stimuli presented to participants in the experiment.

Crédits : Auteurs de l’article

Comment des espèces aussi éloignées que le chien et l’humain peuvent-elles se comprendre ?

L’institut Pasteur vient de diffuser un communiqué de presse sur l’étude menée par des chercheurs de l’Université de Genève, de l’Institut de l’Audition (Pasteur) et du CRPN Marseille en collaboration avec Thierry Legou (LPL), publiée en octobre dans la revue PLOS Biology :

Référence : Déaux EC, Piette T, Gaunet F, Legou T, Arnal L, Giraud A-L (2024) Dog–human vocal interactions match dogs’ sensory-motor tuning. PLoS Biol 22(10): e3002789.

Article en texte intégral : https://doi.org/10.1371/journal.pbio.3002789

Cette étude « révèle que le binôme se rencontre à mi-chemin de leurs différences pour communiquer ensemble. De leurs résultats, les chercheurs émettent l’hypothèse que les chiens et les humains se sont coadaptés pour pouvoir communiquer ensemble. La comparaison avec d’autres canidés non domestiqués par l’humain, comme les loups, permettrait de savoir quelles capacités linguistiques du chien sont dues à sa génétique et lesquelles sont dues à sa socialisation. »

 

Crédits : Thierry Legou, LPL

 

Etat de l’art des « ressources graduées » pour l’enseignement des langues étrangères

Nous avons le plaisir de vous annoncer la parution du dernier article de Núria Gala (LPL-AMU) en collaboration avec Thomas François du Centre de traitement automatique du langage (CENTAL UCL) dans International Journal of Applied Linguistics :

 Référence : Thomas François, Núria Gala. Graded resources for learning and teaching foreign languages. ITL - International Journal of Applied Linguistics, 2024, ⟨10.1075/itl.00024.fra⟩. ⟨hal-04697842⟩

 Article sur le site de l’éditeur (accès restreint) : https://dx.doi.org/10.1075/itl.00024.fra

Référence sur HAL : https://hal.science/hal-04697842

Résumé :
Des ressources innovantes pour l'enseignement du vocabulaire sont apparues au cours des dernières décennies, parmi lesquelles les « ressources graduées », c'est-à-dire des lexiques ou des inventaires dans lesquels les formes linguistiques ont été associées à un niveau de difficulté, en gardant à l'esprit le lecteur cible. L'idée de « grade » dans l'éducation n'est pas nouvelle et a évolué au fil du temps : les échelles de vocabulaire ou de texte (grades) ont été abordées comme un outil pédagogique avec les moyens disponibles à chaque époque. Dans cette étude, notre objectif est de montrer comment les approches actuelles des ressources graduées pour l'apprentissage des langues étrangères sont issues de listes de fréquences pour l'éducation. Nous synthétisons ensuite l'ensemble des travaux entrepris pour concevoir des ressources graduées, en mettant en évidence les différentes méthodologies appliquées ainsi que les ressources existantes.

 

Crédits : Image de freepik (éd.)

La prédiction d’événements chez les humains et dans les modèles de langue

Nous sommes heureux de vous annoncer un nouvel article publié par Philippe Blache (LPL) en collaboration avec des chercheurs de Hong Kong Polytechnic University (Projet Procore) et Purdue University :

Référence : James Britton, Yan Cong, Yu-Yin Hsu, Emmanuele Chersoni, Philippe Blache. On the influence of discourse connectives on the predictions of humans and language models. Frontiers in Human Neuroscience, 2024, 18, pp.1363120. ⟨10.3389/fnhum.2024.1363120⟩. ⟨hal-04717106⟩

Article en texte intégral : https://doi.org/10.3389/fnhum.2024.1363120

Résumé :
Cet article étudie la manière dont les humains et les modèles de langue traitent les prédictions d'événements dans les phrases, en se concentrant sur le rôle des connecteurs de discours tels que et, mais, et parce que. Les humains trouvent que les séquences de phrases congruentes sont plus faciles à comprendre, et ces connecteurs aident à clarifier les relations entre les événements, en particulier lorsque les prédictions doivent être inversées (par exemple, les concessives et les contrastives). L'étude a utilisé des stimuli d'histoires en italien et en chinois mandarin pour tester la plausibilité et la cohérence avec ou sans connecteurs. Les résultats montrent que les modèles de langue mandarine sont quelque peu sensibles à ces facteurs, mais qu'ils ont du mal avec les inversions de prédiction, tandis que les modèles italiens n'ont pas montré d'alignement significatif avec les données humaines.

 

Crédits d'image : Auteurs

Difficultés d’apprentissage de nouveaux mots chez les prématurés modérés de 18 mois

Dans sa rubriques des actualités scientifiques, le CNRS Sciences Humaines & Sociales met en lumière le dernier article publié par notre collègue Clément François, en collaboration avec Antoni Rodriguez-Fornells, Xim Cerda-Company, Thaïs Agut et Laura Bosch, dans une des plus prestigieuses revues sur le développement :

Référence : François C., Rodriguez-Fornells A., Cerda-Company X., Agut T., Bosch L. 2024, Impact of late to moderate preterm birth on minimal pair word-learning, Child Development.

Article en texte intégral : https://hal.science/hal-04671814

Communiqué du CNRS SHS : https://www.inshs.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/difficultes-dapprentissage-de-nouveaux-mots-chez-les-prematures-moderes-de-18-mois

Résumé court :
La prématurité impacte le développement précoce du langage. Qu’en est-il après une prématurité modérée à tardive ? Cette question est cruciale car les prématurés modérés représentent la majeure partie des prématurés dans le monde. Dans un article publié dans la revue Child Development, une équipe de recherche internationale aborde la question cruciale de savoir si la prématurité modérée à tardive a un impact négatif sur les capacités d’apprentissage associatif de nouveaux mots.

 

Crédits : Auteurs

 

Quel impact les hochements de tête ont-ils sur la proéminence prosodique ?

Nous sommes heureux de vous annoncer la dernière parution publiée par Mariapaola d'Imperio - professeure AMU et membre du LPL - en collaboration avec Christopher Carignan, Núria Esteve-Gibert, Hélène Lœvenbruck et Marion Dohen dans The Journal of the Acoustical Society of America :

Référence : Carignan, C., Esteve-Gibert, N., Lœvenbruck, H., Dohen, M., D’Imperio, M. (2024). Co-speech head nods are used to enhance prosodic prominence at different levels of narrow focus in French. The Journal of the Acoustical Society of America.

Accès à l'article en texte intégral (via AMU) : https://pubs.aip.org/asa/jasa/article/156/3/1720/3312732/Co-speech-head-nods-are-used-to-enhance-prosodic

Résumé :
Cette étude examine comment le timing et l'ampleur des hochements de tête peuvent être liés aux degrés de proéminence prosodique, en relation avec des conditions de focalisation en français et avec l'aide de l'articulométrie électromagnétique. Les résultats suggèrent que les locuteurs utilisent deux stratégies d’alignement de geste et de F0 différentes, qui intègrent à la fois les aspects temporels et ceux relatifs à l'amplitude du geste. De cette manière, l’utilisation des gestes de hochement de tête co-verbaux, dans des conditions de focalisation différentes en français, peut être considérée comme une méthode de renforcement prosodique (prosodic enhancement).

Crédits d'images : Auteurs

Comment votre feedback est-il perçu ?

Nous avons le plaisir de vous annoncer le dernier article réalisé par Auriane Boudin (doctorante LPL et première auteure de l’étude), Stéphane Rauzy, Roxane Bertrand et Philippe Blache du LPL ainsi que Magalie Ochs du LIS Marseille.

Par ailleurs, Auriane soutiendra sa thèse de doctorat le 20 novembre prochain qui a pour but de décrire le comportement des auditeurs et leur production de feedback à travers une approche interdisciplinaire.

Référence : Auriane Boudin, Stéphane Rauzy, Roxane Bertrand, Magalie Ochs, Philippe Blache. How is your feedback perceived? An experimental study of anticipated and delayed conversational feedback. JASA Express Letters, 2024, 4 (7), ⟨10.1121/10.0026448⟩. ⟨hal-04687738⟩

Lien vers la revue : https://pubs.aip.org/asa/jel/article/4/7/075201/3302959
Lien vers le texte intégral dans HAL : https://hal.science/hal-04687738

Résumé :
Cet article explore l'impact du délai de production des feedback (les réactions d'un interlocuteur en position d'écoute) sur leur perception. À partir d'extraits de conversations spontanées, des feedbacks ont été manipulés pour être anticipés jusqu'à 1,5 seconde, et retardés jusqu'à 2 secondes. Les participants ont ensuite évalué l'acceptabilité des feedbacks et l'engagement de l'auditeur. Les résultats montrent que 76 % du temps, les feedbacks sont jugés acceptables, mais l'engagement perçu diminue lorsque le délai dépasse une seconde.

 

Figure de gauche : Proportion moyenne de feedbacks évalués comme « non acceptables » pour les feedbacks génériques et spécifiques, par délai de production.
Figure de droite : Score moyen de l'engagement perçu de l'auditeur, sur une échelle de 1 (faible engagement) à 5 (fort engagement), pour les feedbacks génériques et spécifiques, par délai de production.

 Crédits d’images : Auteurs (figures), JASA EL (couverture)

Quelle incidence la paralysie laryngée unilatérale peut-elle avoir sur l’expression des émotions ?

Plusieurs membres de l’équipe de Phoniatrie du CHU La Conception de Marseille et du Laboratoire Parole et Langage ont publié ce mois-ci un nouvel article scientifique qui étudie l'impact des paralysies laryngées sur la transmission vocale des émotions par le locuteur.

Référence : Ralph Haddad, Alexia Mattei, Caterina Petrone, Marie Cachi-Pouyenne, Estelle Bogdanski, Camille Galant, Antoine Giovanni (2024). Alterations in Emotional Expression Through Speech in Patients With Unilateral Vocal Fold Paralysis: A Preliminary Study. Journal of Voice (online 2024/08/08)

⟨https://doi.org/10.1016/j.jvoice.2024.07.010⟩.

Lien vers l’article complet : Alterations in Emotional Expression Through Speech in Patients With Unilateral Vocal Fold Paralysis: A Preliminary Study - ScienceDirect (univ-amu.fr)

A : Répartition égale des phrases produites par les patients atteints de paralysie laryngée en neutre, colère et tristesse.
B: Perception inégale des émotions par le jury, qui considère les phrases entendues comme étant principalement en émotion neutre.

Crédits : Elsevier (ill. en tête) / les auteurs (ill. article)

La difficulté d’apprentissage du vocabulaire de spécialité à l’école : Le cas des verbes opaques

Nous avons le plaisir de vous annoncer la parution du dernier article de Núria Gala et Marie-Noëlle Roubaud, deux enseignantes-chercheuses AMU au LPL, en collaboration avec Ludivine Javourey-Drevet du SCALab (Villeneuve d’Ascq) dans la revue « Lexique » :

Référence : Núria Gala, Marie-Noëlle Roubaud, Ludivine Javourey-Drevet. La difficulté d’apprentissage du vocabulaire de spécialité à l’école : le cas des verbes opaques. Lexique, Juillet 2024, 34. ⟨hal-04580153⟩

Article en texte intégral : https://www.peren-revues.fr/lexique/1727

Résumé :
Dans le but de mettre en lumière les lacunes dans les connaissances du vocabulaire spécifique aux textes de spécialité, nous analyserons dans cet article une série de verbes opaques (polysémiques, fréquents dans les manuels d’histoire et de sciences) et nous dresserons un bilan des connaissances lexicales d’un ensemble de 219 enfants de cours moyen (9 à 11 ans) questionnés dans différentes écoles de France. Nous montrerons, par ailleurs, quelles sont les stratégies utilisées par les élèves pour répondre à la consigne proposée : écrire une phrase avec un verbe donné hors contexte.

 

Crédits d’image : Drazen Zigic sur Freepik

 

Un demi-siècle de recherche sur la prosodie de la parole à Aix-en-Provence

Le CNRS SHS met en avant dans sa rubrique « Librarie » le dernier ouvrage écrit par Daniel Hirst, Directeur de Recherche Emérite au Laboratoire Parole et Langage, et publié en juin dernier chez Springer : « Speech Prosody: From Acoustics to Interpretation ».

Co-fondateur de SProSIG en 2000, un groupe international pour l’étude de la prosodie de la parole sous la tutelle d’ISCA et IPA, et organisateur du premier congrès international sur la prosodie en 2002 (devenu « Speech Prosody »), l’auteur y présente une vision personnelle de la prosodie de la parole en général et plus particulièrement des différents thèmes auxquels il s’est intéressé depuis plusieurs décennies. Parmi les sujets abordés, on trouvera la description acoustique de la prosodie, sa transcription, la relation entre la prosodie lexicale et la prosodie non-lexicale, la nature de la structure prosodique, la phonologie de la prosodie, la modélisation du rythme et de la mélodie de la parole et la question centrale des façons variées et parfois assez mystérieuses par lesquelles la prosodie contribue à l’interprétation des énoncés. Dans son dernier chapitre, Daniel Hirst décrit les directions qui, à son avis, seront les plus productives et fructueuses pour des recherches futures sur la prosodie de la parole.

Référence : Daniel Hirst. Speech Prosody: From Acoustics to Interpretation. Springer Verlag, Berlin. Juin 2024. https://link.springer.com/book/9783642407710