Cette thèse s’inscrit dans une approche « cognition incarnée » qui considère la mémoire comme un système unique à traces multiples, capable de simuler les composantes sensorimotrices et émotionnelles des expériences passées afin de former les souvenirs et les connaissances (Barsalou 2003, 2008). L’objectif est de savoir si les personnes âgées activent la composante motrice lorsqu’ils accèdent à une connaissance et, dans l’affirmative, si le fait de l’avoir activée facilite la reconnaissance ultérieure de cette connaissance. Trois expériences conduites impliquaient deux groupes expérimentaux des personnes vivant en EHPAD et souffrant de pathologies neurodégénératives (groupe 1 – âge moyen 75 ans et groupe 2, âge moyen 90 ans) ainsi qu’un groupe contrôle vivant à domicile (âge moyen 75 ans). Deux expériences utilisant un paradigme d’amorçage sensorimoteur étaient proposées afin d’examiner l’effet de l’amorçage moteur et taxonomique sur la tâche de catégorisation (motrice et catégorisation). Les stimuli étaient des images d’ustensiles de cuisine et d’outils. Les résultats montrent que l’effet d’amorçage moteur (l’amorce et la cible impliquent un geste d’utilisation similaire) est préservé dans les trois groupes. L’amorce et la cible étant des stimuli visuels, l’effet de l’amorçage moteur provient de la composante motrice simulée. Un effet d’amorçage taxonomique existe également mais il reste dépendant de l’amorçage moteur et de la nature de la tâche. Dans la troisième expérience, les participants étudiaient le matériel (images d’ustensiles de cuisine et d’outils) dans trois conditions différentes : taxonomique, motrice et perceptive. Les résultats montrent que le bénéfice du traitement moteur à l’étude était avéré lors de la reconnaissance chez tous les sujets.
Ainsi, nos travaux suggèrent que la simulation de la composante motrice reste préservée chez les personnes âgées dans le vieillissement « normal » et « pathologique ».
La « réservaction », un nouveau concept au service du pouvoir d’agir des enseignants et des élèves
Jury :
Frédéric Saujat (AMU), directeur de thèse
Marie-Noëlle Roubaud (LPL-AMU), co-directrice de thèse
Nicolas Sembel (AMU), président du jury
Eric Flavier (Univ Strasbourg), rapporteur
Thierry Piot (Univ Caen), rapporteur
Laurent Lescouarch (Univ Caen), membre du jury
Entre pensée et langage, intention et action, le mouvement est bien sans cesse visé par les acteurs de la classe, Enseignant et élèves, pour faire apprendre et progresser. Qu’en est-il des élèves dits réservés, quelle est cette réserve et est-elle pertinemment objectivable ? Quelles décisions prennent les Enseignants pour faire et prendre la classe avec ces profils d’élèves et peut-on bien extraire des éléments objectifs de leurs gestes professionnels ? C’est tout l’enjeu du travail de recherche intitulé « la réservaction, un nouveau concept au service du pouvoir d’agir de l’Enseignant et des élèves ». En effet, pour mieux comprendre ce qui retient les élèves réservés mais aussi ce qui les décide à se montrer dans les apprentissages et le développement personnel, ces différents acteurs (Enseignants et élèves) ont été observés et questionnés, mis en dialogue avec eux-mêmes pour parvenir à mieux définir mais aussi mieux s’approprier les limites des freins et des leviers de passage à l’action visible. Ainsi, les dimensions énergie et affect bien visualisées dans les discours semblent montrer une amplitude moins forte pour le pouvoir d’agir alors que les dimensions positionnement et intellect présentent des marges de manœuvre plus larges. Ces analyses de l’activité permettent de confirmer les apports de ce nouveau concept de réservaction qui rallie des pôles jusque-là opposés: négatif et positif, retenue et engagement, discrétion et positionnement, interne et externe, et donc réserve et action.
Émergence et de médiatisation des controverses sociales à l’ère des réseaux socionumériques. Le cas de Bois Blanc (La Réunion) et de Tim Hunt (Grande-Bretagne)
Jury :
Romain Badouard (Examinateur, Univ. Paris II, Panthéon-Assas) Nicole D’Almeida (Examinatrice, Celsa, Univ. Paris-Sorbonne) Fidelia Ibekwe (Co-directrice de thèse, LPL-AMU) Bernard Idelson (Directeur de thèse, Univ. de La Réunion) Alain Kiyindou (Rapporteur, Univ. Bordeaux-Montaigne) Manuel Zacklad (Rapporteur, CNAM)
Cette thèse examine la manière dont les controverses sociales émergent et sont rendues publiques par les médias établis au prisme des réseaux socionumériques (RSN). Pour ce faire, nous avons entrepris une analyse de deux cas de controverses sociales : l’une, d’une ampleur médiatique locale, concerne une opposition de riverains contre un projet d’exploitation de carrière à La Réunion, l’autre, au rayonnement médiatique international, porte sur un mouvement pro-féministe à l’encontre des propos tenus par un scientifique britannique. La thèse mobilise cinq approches communicationnelles et sociologiques à savoir la médiation sociotechnique, les approches de la visibilité, la sociologie des problèmes publics, l’approche transplateforme et l’approche technodiscursive. Notre recherche repose sur une méthode d’analyse mixte, à dominante qualitative, d’entretiens semi-directifs et de traces numériques. Elle combine une analyse qualitative du contenu et du (techno)discours et une analyse quantitative lexicale et thématique du corpus de tweets et des articles d’information. Les principaux résultats démontrent que l’objet de revendication des groupes contestataires conditionne la dynamique des frontières numériques. D’autre part, la stratégie des acteurs, l’exploitation de leur capital relationnel et la configuration technique du RSN sont parties prenantes dans l’émergence et le maintien la mobilisation. Par ailleurs, nous constatons que les journalistes contrôlent l’accès à la scène médiatique après la phase d’émergence de la controverse. Enfin, les controverses sociales ne peuvent se départir des contextes sociopolitiques dans lesquels elles évoluent.
En raison de son haut niveau d’automaticité, l’écriture manuscrite apparaît particulièrement vulnérable à la maladie de Parkinson (MP). La dysgraphie dans la MP se manifeste par une diminution importante de la taille, de la vitesse et de la fluidité du mouvement. Construit autour de quatre études, ce projet de thèse a eu pour objectifs de caractériser la dysgraphie dans la MP aux niveaux comportemental et cérébral, et d’évaluer les effets de la musique de fond et de la sonification musicale dans la rééducation des troubles de l’écriture. Nous avons montré que l’analyse de la fluidité lors de la réalisation d’une petite spirale permet de mesurer précisément les effets de la MP et du traitement médicamenteux. Aussi, la vitesse de signature s’est avérée intéressante pour discriminer les participants des patients sous traitement. L’utilisation de la musique de fond a montré des effets notables sur les troubles de l’écriture d’un jeune enfant, alors que pour la dysgraphie dans la MP, son potentiel semble plus limité que celui de la sonification musicale. Afin de mieux comprendre l’effet d’un déficit des ganglions de la base sur l’écriture, tel que dans la MP, nous avons manipulé ses composantes séquentielle (enchainement de traits pour former les lettres) et d’adaptation motrice (déplacement du stylo selon des contraintes spatiales) lors d’une étude en IRMf. D’abord réalisée auprès de sujets jeunes, cette étude a permis de préciser le rôle fonctionnel des trois régions clés du réseau cérébral de l’écriture : le cortex prémoteur dorsal gauche, le lobule pariétal supérieur gauche et le cervelet droit.
La compréhension de l’ironie et des requêtes indirectes non conventionnelles chez des individus cérébrolésés droits et traumatisés crâniens : profils pathologiques, développement d’un outil d’évaluation et prise en charge
Sous la direction de Maud Champagne-Lavau (LPL) et Marion Fossard (Université de Neuchâtel)
Jury :
M. Philippe Allain - rapporteur du jury - Université d’Angers
M. Jean-Marie Annoni - rapporteur du jury - Université de Fribourg
Mme Laura Monetta - membre du jury - Université Laval, Département de
réadaptation, Québec
Mme Maud Champagne-Lavau - co-directrice de thèse - LPL (CNRS/AMU)
Mme Marion Fossard - co-directrice de thèse - Université de Neuchâtel
---------
En raison de la situation sanitaire, la soutenance de thèse se tiendra en vidéoconférence.
Les personnes intéressées à participer à la soutenance peuvent se connecter à partir de 14h30 sur le lien suivant : https://unine.webex.com/meet/elena.smirnova.
Nous vous remercions de bien vouloir couper le son.
Étude du système intonatif de l’anglais parlé à Dublin : focus sur les montées stylistiques
Jury :
Sophie Herment (AMU), Directrice de thèse
Daniel Hirst (AMU), Président du jury
Anne Przewozny (Toulouse Jean Jaurès), rapporteure
Sylvie Hanote (Poitiers), rapporteure
Cristel Portes (AMU), examinatrice
Stephan Wilhelm (Université de Bourgogne), examinateur
Cette thèse consiste en une analyse multidimensionnelle de l’anglais parlé à Dublin dans ses aspects sociolinguistiques, phonétiques et phonologiques et a deux objectifs majeurs : la description détaillée du système intonatif de l’anglais parlé à Dublin (et l’évaluation de l’influence de certains critères sociologiques) et l’étude approfondie des montées stylistiques que l’on peut retrouver à la fin des phrases déclaratives. Ces montées que l’on appelle HRT (High Rising Terminals) ou uptalk sont utilisées dans divers buts pragmatiques (comme la recherche de validation ou vérifier que l’interlocuteur suit bien la conversation) et sont présentes dans de nombreuses variétés d’anglais. Elles ont pour particularité de présenter des fonctions et des formes différentes en fonction de la variété où on les retrouve. Avec un corpus authentique de 31 locuteurs enregistré dans le cadre du programme PAC (Phonologie de l’anglais Contemporain, Durand & Przewozny-Desriaux, 2011) et du protocole PAC-Prosodie développé pour ces travaux, nous démontrons que Dublin a son propre système intonatif, qui est plus statique que celui de l’anglais britannique standard. Nous démontrons ensuite comment plusieurs critères tels que le genre et le niveau d’irlandais peuvent parfois expliquer la variation rencontrée à Dublin. Nous procédons ensuite à l’étude approfondie des HRT dans la ville, montrons que les femmes en réalisent plus et que ces HRT se distinguent des interrogatives et des continuatives principalement par l’augmentation de la courbe de fréquence fondamentale et par les fonctions pragmatiques. Enfin, nous exposons la façon dont ces montées et les locuteurs qui les produisent sont perçus en Irlande.
Afin de rendre compte de la manière dont les participants à une interaction construisent de manière conjointe et collaborative l’activité dans laquelle ils sont engagés, les différentes ressources disponibles aux locuteurs (syntaxe, prosodie, discours, geste) s’avèrent cruciales pour comprendre ce qui se joue. La méthodologie utilisée consiste à articuler l’approche de l’Interactional Linguistics qui consiste en une analyse séquentielle et détaillée des activités conversationnelles et l’approche dite corpus-based qui consiste à exploiter et interroger plus systématiquement et quantitativement des corpus de taille conséquente. Cette double approche permet à la fois de mettre à jour de nouveaux phénomènes linguistiques pertinents pour l’interaction conversationnelle à un niveau de granularité très fin tout en quantifiant certains aspects qui nous permettent de rendre compte d’une réelle systématicité des échanges. Parmi les ressources linguistiques utilisées par les participants, la prosodie constitue une dimension cruciale.
Nombreuses sont les études qui ont tenté de mettre en évidence les liens entre syntaxe et prosodie, ou bien encore entre discours et geste, mais mon projet vise à dépasser ces dichotomies afin de tenter d’intégrer les différents niveaux dans une approche linguistique large et unifiée, en vue d’aboutir à terme à une réelle théorie unifiée de la langue.
Le goût mais aussi l’exigence à effectuer des détours en vue de me confronter à d’autres questionnements posés par d’autres domaines sont au coeur de ma démarche (aller-retour entre modèles et données, linguistique théorique et linguistique de corpus, prosodie spontanée vs prosodie contrôlée, approche inductive vs hypothético-déductive en prosodie, etc). Ces « détours », bien que très coûteux en termes de temps car ils requièrent de se confronter à ce qui se joue dans les autres domaines, s’avèrent selon moi fondamentaux. En effet, ils permettent d’une part de révéler la complémentarité réelle existant entre les différentes disciplines, en l’occurrence les sciences humaines / sciences de la vie / informatique. Ils favorisent d’autre part de nouvelles pistes de recherche qui reposent sur des paradigmes et des méthodologies différentes qui permettent de relever de nouveaux défis. Ce projet s’inscrit dans un contexte national et international de plus en plus propice à ce type de recherche, en témoignent les travaux en neurolinguistique et les nouveaux questionnements autour des dialogues et de leurs corrélats neuronaux, regroupant des chercheurs issus de l’analyse des interactions et des expérimentalistes (cf les travaux de l’équipe de S. Levinson, la création de l’ILCB par P. Blache ou du réseau Cobra par N. Nguyen).
Variables socio-commutatives, attitudes psycho-émotionnelles et détails acoustique-articulatoires du parlé : une étude sur une communauté de locuteurs de français L2 originaires du sud de l'Italie
Sous la direction de Mariapaola d'Imperio (AMU) et Silvia Calamai (Univ. di Siena)
Jury : Mme CHIARA CELATA - Univ. Urbino Carlo Bo Mme ELISABETTA CARPITELLI - Univ. Grenoble M. ORESTE FLOQUET - Univ. di Romà la Sapienza Mme BARBARA GILIFIVELA - Univ. di Salento Mme GIOVANNA MAROTTA - Univ. di Pisa M. ALESSANDRO VIETTI - Univ. libre de Bolzano Mme SILVIA CALAMAI - Co-directrice de thèse - Univ. di Siena Mme MARIAPAOLA D'IMPERIO - Directrice de thèse - AMU
Résumé :
Les communautés de migrants représentent des laboratoires sociologiques uniques, dans lesquels des forces opposées poussent simultanément les individus à préserver leur patrimoine d'origine et à acquérir les particularités de leurs hôtes. Une renégociation similaire et dynamique des identités personnelles et sociales produit souvent des résultats imprévisibles, profondément liés aux contextes spécifiques dans lesquels ils se produisent. Dans le développement de tels processus, les faits linguistiques jouent un rôle crucial. La sélection des variétés de langue, la préférence pour des interlocuteurs spécifiques, les chemins suivis par l'acquisition de la langue et les phénomènes d'interférence sont des éléments fermement liés aux identités migrantes qui en résultent.
L'entrelacement entre la langue et la psychosociabilité dans les communautés de migrants représente certainement une question complexe, qui nécessite des recherches transdisciplinaires ; cela dit, les sciences humaines ne peuvent plus reporter une confrontation globale avec des questions similaires, étant donné l'importance croissante que les migrations à petite et grande échelle acquièrent dans les sociétés contemporaines (liquides, pour utiliser la définition répandue de Z. Bauman).
La recherche développée dans la thèse de doctorat ici présentée aborde précisément une question linguistique pertinente en fonction des processus sociaux migratoires. Plus précisément, l'étude s'est intéressée à la manière dont les attitudes sociales révélées par les migrants façonnent l'acquisition spontanée de la langue véhiculaire parlée par la communauté d'accueil : pour explorer ce sujet, un échantillon de 15 migrants d'origine italienne habitant l'agglomération d'Aix-Marseille (Provence) a été recruté, en accordant une attention particulière à la comparabilité des sujets en termes d'âge, d'éducation, de lieu de travail et d'origine linguistique. La phase de collecte des données repose sur une méthode globale, intégrant des méthodes psychométriques explicites et implicites répandues (questionnaires de Likert, et test d'association implicite) et la constitution d'un corpus oral représentatif du répertoire bilingue italien-français du participant concerné. Lors de la planification de la collecte du corpus, une attention particulière a été accordée à la possibilité de réutilisation la plus large possible de la ressource, également en dehors des domaines linguistiques et sociolinguistiques. Alors que le discours français a été obtenu en adoptant une méthode d'élicitation traditionnelle (description d'image), la collecte du discours italien repose sur un entretien semi-structuré et modulaire visant à recueillir les remarques, les croyances et les pensées des participants sur leur condition de migrant italien en France. Suivant des principes similaires, la ressource résultante (CoRital, Corpus Italiens à l'étranger) représente une source de données précieuse pour effectuer des recherches linguistiques, socio-psychologiques et historiques sur la migration franco-italienne contemporaine. Le corpus entier ( ~ 4h 50' de discours total, également réparti entre l'italien et le français) est transcrit orthographiquement, en adoptant la chaîne de transcription BAS (suivie d'un double contrôle humain). En ce qui concerne la question de recherche abordée par l'étude, l'analyse des détails phonétiques du discours collecté - effectuée au niveau des segments vocaliques spécifiques au français - révèle que les attitudes affectent différemment l'orientation native de l'acquisition de la L2, selon la dimension stéréotypée concernée (chaleur et compétence) et la nature explicite/implicite de la construction: des divergences acquisitionnelles similaires sont interprétées d'un point de vue sociolinguistique et psychosocial.