Seminar
March 1st 2019, 10.30 a.m. at A003
Laboratoire Parole et Langage
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Aron Arnold
Les pratiques de séduction vocale, et ce qu’elles nous apprennent sur le genre
Les rituels de séduction mobilisent un ensemble de pratiques, verbales et non-verbales, à travers lesquelles les actrices et acteurs sociaux se présentent d’une certaine manière et rendent intelligibles différentes émotions, attitudes et intentions. Une expérience, s’inspirant de Puts (2005) et Hodges-Simeon et al. (2010), basée sur des simulations d’appels téléphoniques, nous a permis d’étudier les pratiques vocales de 30 locuteurs – 15 femmes et 15 hommes – francophones de la région de Bruxelles et du Brabant wallon en contexte de séduction. Nous avons constaté que ces derniers, lorsqu’ils avaient comme consigne de s’adresser à une personne qu’ils souhaitent séduire, tout en prenant une voix qu’ils considéraient comme « séduisante » et « sexy », (1) abaissaient leur fréquence fondamentale, (2) réduisaient leur débit de parole, et (3) augmentaient la fréquence du second formant (F2) de certaines voyelles, vraisemblablement par des sourires. Nous interprétons ces variations, d’une part, comme relevant d’une stratégie à travers laquelle les locuteurs montrent leur attirance envers leurs interlocuteurs – car pour séduire, il faut être séduit (Baudrillard, 1979, p. 112), ou du moins prétendre l’être. Et d’autre part, comme une stratégie pour indexer leur assurance et leur confiance en soi. L’étude de ces trois paramètres n’a pas révélé de différences signifiantes entre locuteurs féminins et masculins – les mêmes tendances ont été observées auprès des deux groupes. En revanche, nous avons remarqué des différences de genre dans la manière dont notre expérience a été appréhendée. Lorsque nous avons demandé aux locuteurs de produire une voix « séduisante » et « sexy », les locuteurs féminins ne manifestaient généralement aucune difficulté dans la compréhension de la tâche, ni dans la production de ce type de voix. En revanche, les locuteurs masculins expliquaient régulièrement qu’ils ne comprenaient pas la consigne, ou qu’ils ne savaient pas comment produire une voix de ce type. Nous interprétons cette différence comme une conséquence du fait que les femmes sont plus sexualisées que les hommes, et que conséquemment la séduction féminine est davantage stéréotypée que la séduction masculine.
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Maria Candea, James German, Mariapaola d’Imperio
Présentation du projet ANR NoBiPho 2019-2021: La production et la perception de la voix et de la parole comme sites de (de)catégorisation du genre: vers l’émergence d’un paradigme non-binaire
Contact: Oriana Reid-Collins