Les traitements chirurgicaux des cancers du larynx induisent des séquelles vocales importantes. Ces dernières peuvent être compensées par une rééducation orthophonique, cependant, certains patients conservent une plainte concernant non pas leur voix, mais leur parole. Les paramètres du timing de la parole tels que le débit de parole ou encore la vitesse articulatoire sont impactés par la chirurgie. La littérature est abondante en ce qui concerne les séquelles vocales après laryngectomies partielle ou totale ; en revanche, l’altération de la parole après ces chirurgies n’a été que peu étudiée. Partant d’un constat clinique – celui de la plainte de nos patients- nous avons entrepris d’étudier certains composants de la parole.
La théorie de la variabilité́ adaptative de la parole développée par Lindblom, précisée par le modèle hypo/Hyper speech, a servi de base à notre travail. Les patients opérés du larynx souffrent d’une grande difficulté́ à initier et maintenir le voisement au cours de la parole. Nous avons émis l’hypothèse qu’ils adaptent leur façon de parler en ayant recours à une stratégie d’hyper-articulation ; modifiant la parole au point d’engendrer la diminution, voire la disparition, de certains phénomènes normaux, comme la coarticulation. Les sujets, procédant alors à une véritable ré-organisation temporelle de leur parole, produiraient des patterns rythmiques anarchiques responsables du caractère peu naturel de leur parole.
Six expérimentations ont été réalisées en deux phases distinctes afin de répondre à nos hypothèses. La première phase a mesuré́ la coarticulation au sein d’une population de sujets opérés d’une laryngectomie partielle (LP) et d’une population de sujets opérés d’une laryngectomie totale (LT). Les résultats ont montré́ une diminution de la coarticulation après LP, et sa disparition après LT. La deuxième phase expérimentale portait sur une nouvelle population de sujets LT. Les paramètres du timing de leur parole tels que les pauses, le débit de parole et la vitesse articulatoire, ont été étudiés. Ces paramètres ont ensuite été corrélés à l’évaluation perceptive et objective des voix. Une grande quantité́ de pauses, responsable, entre autres, de l’absence de coarticulation et d’un jugement perceptif négatif, ont été mis en évidence.
Ces travaux confirment les modifications de la parole engendrées par la chirurgie laryngée et l’intérêt de les étudier.