
C’est avec beaucoup de peine que nous avons appris la disparition de notre collègue Danielle Duez le mercredi 26 février.
Danielle avait fait toute sa carrière de chercheure au sein du Laboratoire Parole et Langage et était restée très proche des recherches de son équipe durant ses années d’éméritat à partir de 2009. Après 20 années passées en tant que professeure dans l’enseignement secondaire, Danielle était entrée au CNRS en 1987 en tant que Chargée de Recherche. C’est durant ces années dans l’enseignement secondaire qu’elle avait réalisé sa thèse (1978) puis son doctorat d’état (1987). Elle avait ensuite été promue Directrice de Recherche en 2001 et avait demandé son éméritat lors de son départ à la retraite en 2009.
Les 15 premières années de ses recherches ont été consacrées à l’analyse acoustique et phonétique des styles de parole, à une période où peu de travaux se focalisaient sur cette thématique. Elle a ainsi organisé Sound Patterns of Spontaneous Speech en 1998, première conférence consacrée à l’étude de la parole spontanée. Danielle était particulièrement intéressée par l’organisation temporelle des différents styles de parole. Ses travaux sur la durée des pauses et la relation locuteur/auditeur font d’elle l’une des premières à s’être intéressée aux interactions langagières. Alors que de nombreux projets allaient désormais s’orienter sur cette thématique, Danielle s’est ensuite consacrée à l’étude de la phonétique clinique, initiant, là encore, des travaux visant à caractériser la parole pathologique à la lumière des méthodologies de la phonétique expérimentale. Ses travaux ont ainsi apporté de nombreux éclairages sur la production de la parole dans la maladie de Parkinson, notamment sur la production spécifique des consonnes occlusives et sur la durée des pauses.
Danielle avait cette intuition d’aller chercher des terrains d’études peu occupés et particulièrement novateurs, puis de passer à autre chose lorsque la communauté s’en emparait. Ses réorientations thématiques n’obéissaient pas à une stratégie. Elle restait fidèle à ses objets descriptifs (organisation temporelle segmentale et suprasegmentale) et les exportait vers de nouvelles questions, loin des courants dominants…
Par un curieux hasard (qui deviendra un clin d’œil affectueux), il se trouve que nous avons évoqué ses travaux lors de notre dernier séminaire, quelques minutes avant d’apprendre sa disparition…
Toutes nos pensées vont à ses proches.
Si vous souhaitez nous faire part d’un témoignage ou d’un mot sur Danielle, vous pouvez nous l’envoyer à cette adresse : claudia.starke@univ-amu.fr
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Témoignages
J’ai eu l’occasion de rencontrer Danielle à plusieurs reprises, notamment en l’invitant à des colloques que j’organisais. Elle a marqué l’histoire des recherches en sciences de la parole, tant par sa personnalité que par ses travaux. Son nom m’évoque immédiatement ses articles sur les pauses dans le discours politique et, bien sûr, ceux sur les silences dans la maladie de Parkinson.
Mes condoléances à sa famille et mes pensées les plus sincères au LPL.
Amicalement,
Fabrice Hirsch
J’apprends avec surprise et profonde tristesse le décès de notre chère collègue Danielle Duez.
J’avais eu le plaisir de la côtoyer dès le début de ses travaux (et des miens) sur les styles de parole et j’avais été frappé par sa clairvoyance dans un secteur qui n’en était alors qu’à ses balbutiements.
La phonétique n’était pas tout à fait remise, encore, d’avoir consacré tant de temps à la recherche d’invariants sonores et de corrélats acoustiques et je me rappelle combien cette entrée dans l’incommensurable univers de la variabilité était sourdement redoutée par d’aucuns. La « parole de laboratoire » était bien plus sage, mais Danielle tenait et s’épanouissait dans ce nouveau monde dont il faudrait bien reconnaitre, quelques temps après, qu’il n’était que le vrai monde de la parole.
Aujourd’hui, me reviennent aussi en mémoire ses travaux sur les pauses. Là aussi, un univers un peu fantasque, le monde du silence, où rien veut dire quelque chose. Et comment ne pas évoquer, notamment, La pause dans la parole de l’homme politique, publié par le CNRS en 1991. Et tous ces autres sujets d’études qu’elle nous a fait partager.
Danielle m’a souvent fait l’impression d’être une découvreuse de cailloux bizarres. Elle les traquait, les détectait et avec de rares précautions, les heurtait selon un axe de fracture. Et il en sortait de la lumière.
Danielle était une personne peu conforme, profonde, riche, fraternelle, élégante et généreuse. Elle va manquer beaucoup à la communauté parole.
Bien cordialement à vous,
Prof. Ord. Émérite Bernard Harmegnies